Békomé

Ebaras sella Békomé. Le chameau de course, heureux et sentant l'approche de l'aventure, blatérait par à-coups.
Sa cape d'Elasil soulevée par un souffle de vent, Ebaras fixait de ses yeux verts la porte de l'Auberge.Le Lexikon était tranquille, ce matin. C'était jeudi, jour de repos dans la ville de Manguo. Tout dormait.
Les clients qui avaient ripaillé la veille couvaient leur vin. Les garçons d 'écurie étaient encore au chaud dans la paille.

Le petit Animède, le cheval d'Ebaras, piaffait dans son coin. Comme Békomé, il avait apprécié le repos prolongé dont ils avaient bénéficié au Lexikon. Maintenant, gras et le poil luisant, ils étaient contents de reprendre la route...
Il faisait frisquet, et Ebaras s'enveloppa davantage dans sa cape. Tumanu et Qekiko, l'air maintenant réveillés, venaient de s'encadrer dans l'entrée de l'auberge.

Qekiko tenait son arc court à la main. Une merveille mikeko, sculptée dans les moindres détails. L'arc était aussi grand que lui.
Ebaras connaissait les arcs mikeko : d'une puissance extraordinaire pour leur petite taille, leurs dards étaient sans pardon . Les Mikeko utilisaient un bois naturellement empoisonné, l'Elénon, pour les fabriquer...
Dans les chatoiements de sa fourrure, on pouvait voir se détacher deux dagues courtes en acier, ainsi que des réserves de sève d'élénon scellées dans trois petites fioles de verre bleu.
Tumanu, droite et immobile, ne laissait entrevoir aucune arme sous sa cape noire. Elle n'en avait pas. Mais le feu qui l'habitait était redoutable. Il lui suffisait. Elle était rayonnante.

Ebaras sangla Békomé, rangeant dans les sacoches sa longue rapière recourbée. Quelques médecines aussi, ramassées au gré de ses errances.
Il n'avait pas besoin de beaucoup plus: l'essentiel de son pouvoir était en lui, sa cape le prouvait.

Ils franchirent le portail de l'auberge, droits et riants: le soleil commençait maintenant à chauffer la cour.
Seul autre voyageur levé, le Ravanor qu'ils avaient déjà remarqué pansait sa bête et la nourrissait devant l'écurie. Il semblait revenir d'une longue course, et ne pas avoir l'intention pourtant d'enlever ses bottes.
Ebaras, Qekiko et Tumanu partaient pour l'ascension des Hauts Sommets.