lundi, septembre 04, 2006

Pimmim

Autour de la table, les trois compagnons étaient silencieux.
Parler à un condamnateur était soit un très grand honneur, soit un moment fatal.
Ils avaient opté pour le premier choix, et attendaient avec recueillement les paroles du grand homme. Seul Ebaras, plus avancé dans la hiérarchie, risquait un regard direct vers Pimmim.

Pimmim éclata de rire. Les mines confites de ses interlocuteurs étaient irrésistibles.
Il attrapa une cuiller de confit de rose, et se mit à la considérer avec attention.

- "Nous avons des problèmes", dit-il.
- "Nous?", le Mikeko ne pouvait se taire très longtemps.
- "Nous. Nous tous à Manguo.Et peut-être nous tous sur la planète. Nous tous, ceux de la pyramide."

Tumanu baissa les paupières, puis rouvrit ses yeux fauves d'un seul coup.

- "Qu'est-ce qui se passe?"
- "De nouveaux arrivants. Etranges. Ils font peur. Les gens les ont appelés les Ecouteurs..."
- "Et alors?"
- "Ils sembleraient absorber les mots. Les boire. Les rendre inutilisables en les vidant de leur énergie."
- "Avec eux, les mots perdent leur sens?"
- "Non. Pire que ça. Ils perdent leur effet. Ils ne servent plus à rien. Ils n'ont plus aucune énergie. Ils deviennent des mots zombies. Des morts-vivants... Et les gens qui ont rencontré les écouteurs finissent par se taire pour toujours. Ils meurent au monde."

Tumanu fronça les sourcil :

- "Je ne vois pas bien ce que ça a de si grave. Je me tais souvent, et ne m'en porte pas plus mal pour cela..."

Pimmim la regarda sérieusement :

- "Vous êtes de là-haut. Vous êtes votre propre source d'énergie.Vous l'avez emmagasinée depuis votre naissance.
La plupart des hommes ont besoin qu'on leur transmette de l'énergie, de l'envie, de la motivation. Ceci ne peut se faire que par la circulation des mots : le réconfort, l'idéal, le rire, l'imagination et le désir d'avancer... Tout cela mourrait dans le silence. Notre esprit redeviendrait prisonnier, dans le monde des animaux."

- "Nous devons trouver les Ecouteurs. Et voir ce qu'ils ont dans le ventre!"

Qekiko, guerrier et courageux, dressait ses un mètre vingt au dessus du plateau de pain et de confiture. Le priver de mots? Non, mais! Il comprenait mieux qu'un autre : il en serait mort très vite!

Aucun commentaire: